NOTES DE LECTURE par Francis Loridan (avril 2009) Besançon.
Guy BEAUJARD (Dolois):
Cet ancien géomètre-topographe qui fut aussi ingénieur de l’Equipement en Franche-Comté et se flatte d’être « témoin non silencieux de son temps », conte, avec une sensibilité, un talent, incontestables, le parcours d’un jeune -homme, Pierre, entre les Andelys en Normandie et la Grande Kabylie, en Algérie.
Derrière ce Pierre, fils d’un gendarme surnommé par son fils « Tanner le cuir »
- tout un programme éducatif - on devine sans difficulté l’auteur dolois.
Comme Pierre, il a fait ses études secondaires à l’école des Enfants de Troupe, aux Andelys. Comme Pierre, il a refusé à ta sortie de ce dressage normand d’entrer dans la carrière militaire. Pas pour se défiler, si Ion peut dire, quand on a appris à compter jusqu’à deux pour marcher au pas (han, dé, han dé !), ni pour être un « planqué » en pleine guerre d’indépendance algérienne, l’époque où les appelés « crapahutaient » dans le djebel et où leur mort faisait rarement la « une » des journaux.
Pierre, en effet, est volontaire pour partir en Algérie. Mais en civil. Comme instituteur dans un bled, au fond de la Grande Kabylie, Tifrit-Naït Oumaleck. Aventure humaine hors du commun au milieu de la société millénaire kabyle et de quelques gradés de chasseurs alpins lucides sur la mission « pacificatrice » que la République leur a confiée.
La plume de Guy Beaujard, combattant de l’humanisme, est tour à tour tranchante, nostalgique, assassine, tendre, sensuelle, révoltée, ironique et descriptive, avec des images d’une telle force qu’elles invitent à relire quelques lignes, voire des paragraphes, pour le plaisir ou l’émotion souvent les deux à la fois.
« Les couleurs du temps » ne vont pas s’estomper Guy Beaujard promet un deuxième tome, déjà en cours d’écriture. Loin des Andelys et de Tifrit Naït Oumaleck, il aura pour sujet l’entrée de Pierre dans le monde du travail sous la tutelle des Saigneurs de la politique tout en traitant en toile de fond le parcours de vie de ses anciens élèves qui ont cherché et retrouvé leur Chire (instituteur).
On l’attend avec intérêt, surtout si la plume, n’a pas perdu ses couleurs du temps.